Chaud froid

Chaud froid

Elle est là. Elle m’attend. Je n’ai d’yeux que pour elle. Sa carcasse rouge me fascine, tout comme son ronronnement chaleureux. Les cadrans rutilent. L’allumage est parfait. Impeccable. Toute la journée, elle ronronne en cadencements réguliers et cette musique m’enchante. C’est la musique du foyer, du nid douillet, de l’accueil comme il se doit.

Mais je la surveille constamment car son comportement est imprévisible. Mal nourrie, elle rejette les déchets et se coince la vis. Et c’est l’arrêt brutal. Les toussotements. Le trop plein qui dit : occupe-toi de moi correctement. Et qui questionne : où es-tu vraiment ? Veux-tu juste que je te donne ce que tu attends de moi ou es-tu en mesure de me connaître vraiment, dans tous les tréfonds de ma tuyauterie complexe ?

Voilà ce qui m’attend lorsque je ne suis pas suffisamment attentionnée. L’objet me retourne en miroir mon attitude égo-centrée. Ou trop pressée d’en arriver à un résultat satisfaisant. L’objet est-il là pour me servir ? Ou me révéler ce qui pourrait me servir ?

Panne après panne, j’en apprends sur moi et mes certitudes cristallisées par tant de croyances et de schémas mentaux un peu figés. C’est toujours plus confortable que d’aller regarder la nouveauté de l’un-connu.

Dans la nuit humide et froide, je pleure d’impuissance devant la machine éteinte. Je la bourre de coups de poing infantiles. Comme si cela allait la remettre en route. Je pleure ma froideur intérieure. Puis, à force de déceptions et de dépressions, je lis enfin sa notice, son mode d’emploi, qui n’est autre que le mien. Je cherchais à l’extérieur ce qui manquait à l’intérieur. Une douceur bienfaisante sur mes imperfections. La machine à donner du chaud s’est arrêtée pour me faire contempler mon désordre intime, qui ose enfin se réchauffer au grand soleil de l’amour. Et la relation s’épanouit, au-dedans comme au-dehors. Les soubresauts continuent mais la chaleur enfin révélée leur donne une couleur joyeuse, flamboyante, animée par la flamme du oui. Oui à la Vie telle qu’elle se présente. Oui à mes travers et mes imperfections, qui ne sont que des questions mal formulées. La notice est toujours là, si on ouvre les yeux au bon endroit.

Ce matin, j’ai ouvert les yeux et j’ai regardé mon amoureux.

Photo : Cullan Smith

 

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