
La douche est bienfaisante, chaude à souhait. Iris se savonne avec délice, dans un parfum de noix de coco exquis. Dans la cheminée crépite un bon feu. En-dehors de ces sons familiers, la maison est silencieuse. Iris sort de sa douche, enfile son peignoir et vient se blottir près de l’âtre crépitant de flammes dansantes. Son moment préféré de la journée. Les yeux mi-clos, elle savoure l’instant. Aucune pression, pas de téléphone, pas de réunion, pas la moindre conversation à entretenir. Un pur bonheur, tout simple. Pour mieux profiter de la douce mélodie des bûches qui se consument, Iris remet son appareil auditif en place.
Alors qu’elle entre doucement dans un état presque hypnotique, enveloppée de quiétude, un fracas assourdissant surgit de nulle part. Comme une bombe qui explose, ou un énorme objet qui tombe de dix étages, tout près de là. Son cœur bat la chamade.Iris est tétanisée. Littéralement. Elle ne peut plus bouger. Son cerveau abasourdi tente de donner du sens à ce qui vient de se produire. Mais ça ne ressemble à rien de sensé, rien de normal, rien que l’on puisse étiqueter ceci ou cela pour rassurer le mental qui a presque disjoncté de frayeur.
Iris, dans sa transe, rassemble les derniers fragments de conscience à peu près saine et cherche son téléphone. Qui reste introuvable. Ou qu’elle ne voit pas, tant elle est focalisée sur cette détonation ahurissante.
Son esprit tente de questionner, tant bien que mal, cet événement traumatisant. Est-ce qu’on serait en guerre ? Est-ce que la maison serait la proie d’un démolisseur malveillant ? Serait-ce la fin du monde ? Mais rien ne semble s’être écroulé ou morcelé autour de la jeune femme. Ce qui rend la situation encore plus absurde car totalement incohérente. On s’attendrait, comme dans un film catastrophe, après un bruit comme celui-là, à des hurlements, des sirènes de police, un vacarme d’humains en panique…Mais rien de tout cela ne se produit. Une explosion énorme et puis, plus rien. Le calme absolu, comme si rien ne s’était passé.
Dans un éclair de lucidité, Iris se tâte les oreilles. Son appareil auditif est réglé à son maximum. Ça n’arrive jamais. Elle a du le dérégler par mégarde.
Puis, intuitivement, elle se lève, les jambes encore tremblantes et se penche à sa fenêtre. Dans le bois tout proche, un arbre centenaire au tronc massif d’une hauteur vertigineuse,vient de tomber, à quelques dizaines de mètres de la maison. Les tronçonneuses des bûcherons lui indiquent l’origine de cette sinistre déflagration. Elle se souvient maintenant. Le cantonnier lui en a parlé. L’arbre était malade et menaçait de tomber sur des habitations, vous comprenez…
Iris tombe de soulagement et de stupeur mélangés, dans un fauteuil. Elle explose en sanglots puis en un rire magistral. Elle pleure le géant fracassé et elle rit de la scène improbable qu’elle vient de vivre. Revenant à elle, elle entend son téléphone sonner. C’est son voisin du dessus qui s’inquiète : « Tout va bien, Iris ? J’entends des bruits bizarres venant de chez toi… »