
Coralie n’en a que faire de ce rendez-vous. D’ailleurs, elle n’en voulait pas. Cette sortie n’est pas son genre, mais alors pas du tout. Non non non non non, elle nie avoir négocié avec le néant pour énoncer cette initiative née d’une inconséquence de son inattention.
C’est la faute à Coco qui l’a traînée dans ce salon rocambolesque, où l’on croise aussi bien des commères rococo que des cow-boys de pacotille encombrés de leurs costumes à franges colorées. « Tu verras, lui a-t-il susurré à l’oreille, tu vas craquer comme une feuille morte, à voir tous ces coquets canidés et ces fieffés félins te montrer leurs atours apprêtés… »
Oh oui, je les ai vus, ces vilains vendeurs de viande, je les ai entendus vociférer leurs vocalises véhémentes et sucrées pour faire virevolter leur toutou frisé sous les yeux éblouis des visiteurs du dimanche. Car c’était un dimanche que nous avons tourné et viré tout un après-midi mielleux dans cette arène minable qui m’a miné le moral. Un moment mémorable mélangé de mines attendries et de minets enamourés.
Au détour d’une allée, quelle ne fût pas ma surprise d’être prise en flagrant délit de regard attendri. Une portée de chatons gris souris, souriant de toutes leurs dents minuscules, m’étourdit de tendresse inattendue. Le rose aux joues, j’en attrapai un et le caressai avec certitude. Il me le rendit bien en ronronnant comme un petit moteur bien rôdé. Coco me regardait de biais, le sourire en coin. Je n’avais cure de ses sarcasmes, toute à mon rendez-vous avec Denis, c’était le nom affiché sur son collier. Denis me regardait tellement que j’en succombais d’affection pour lui. Totalement prise, totalement éprise, j’étais joyeuse comme une petite fille. Je ne voyais que lui.
Denis, gris de poil et rose de museau, yeux verts et griffes bien acérées, un véritable joyau félin à mes yeux, entra dans ma vie ainsi.