Déambulation mentale

Simon s’est levé trop vite ce matin. Dans l’urgence de ne pas rater son rendez-vous. Car cette fois-ci, il veut absolument être là, vraiment là. La dernière fois, il s’est raté et il en a ressenti une amertume presque compacte, comme le goût du café trop fort et pas assez sucré qu’il a avalé d’une traite il y a quelques minutes à peine.

Comme dans un rêve, il voit sa main ajuster sa mèche dans le reflet du miroir. Son regard est attiré par la silhouette mouvante de la plante verte, qui ondule devant la fenêtre ouverte. Le courant d’air est frais comme cette nouvelle journée de janvier. Une pensée lui traverse l’esprit : réparer le cadre de cette fenêtre, remettre du mastic, parce que même fermée, elle suinte un air glacial dans la pièce. Ça fait bien une dizaine de fois qu’il se l’est dit…Mais la mémoire c’est pas son fort. C’est pour ça qu’il a mis plusieurs alarmes pour être à l’heure ce matin.

Au loin, les goélands crient leur joie d’être vivants. Il aime ces bruits marins qui enchantent sont quotidien.

Il déglutit, un goût salé envahit sa bouche, un goût de mer et de grand large. Au travers des volets fermés, la lueur du jour se profile par bandes rectilignes bien rangées, comme des traits blancs alignés sur un fond noir.

Simon n’en finit pas de détailler son environnement. Les sens en alerte, il est comme happé par ces interminables inventaires qu’il ne peut s’empêcher de faire, comme pour retarder les échéances qu’il redoute. Légèrement stressé, il sent une odeur de transpiration monter à ses narines.

Ça lui fait toujours ça quand il a un rendez-vous. Les rendez-vous, c’est pas son truc. Il préfère être libre des calendriers, des échéances, des contraintes horaires qui semblent mouvoir tous ces personnages qui l’entourent, dans la rue, dans les bureaux, dans les magasins, partout. En même temps que la transpiration, le picotement des fourmis dans ses orteils le rappellent à son corps endolori. Il n’a pas assez dormi, tout tracassé à l’idée de ce fameux rendez-vous.

Pris dans une rêverie sans fin, Simon ne voit pas le temps filer comme un laser tranchant et implacable. Un air de déjà vu flotte dans la pièce silencieuse.

La vieille horloge normande sonne neuf coups cuivrés. Neuf coups cuivrés comme neuf heures du matin. L’ordinateur mental de Simon doit faire la traduction, pour que « ça monte au cerveau », comme on dit.

Mais tout ça prend du temps, on dirait. Plus de temps qu’il n’en faudrait.

Devant la porte d’entrée, Simon attrape son manteau et son écharpe, prêt à sortir. Mais le cœur n’y est pas. Au fond de lui, il sait déjà.

Il est 9 heures et Simon a encore raté son rendez-vous…

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