Miroir d’eau

La tentation est trop forte. Je m’approche irrésistiblement. Millimètre après millimètre, mon visage se penche vers cette surface miroitante qui m’offre un autre moi-même à contempler. Je m’approche jusqu’à coller mon nez, puis mes joues et même mes lèvres sur cette frontière narcissique. Aimante. Aimantée par l’effet miroir, je me mire en miroitant des félicités sublimes qui me racontent d’autres facettes, d’autres parts de ce moi que je ne peux plus cerner. A mesure que le visage fait un avec le miroir, la frontière se fait mouvante, liquide. Mon visage est baigné d’amour en mille gouttes formant un océan bienheureux. Fondues les apparences, disparue la peau et les sensations d’une bouche, d’un nez, d’une paire d’yeux et d’oreilles, d’un crâne, de ce qu’on appelle communément un visage, une face, une bouille, une figure, une gueule, suivant l’humeur et la sensation du moment. Moi s’est liquéfié, se faisant eau. Rafraîchissante sensation d’être à la source de moi. Qui se baigne en soi. Dans cette cathédrale intérieure liquide, le voyage est subtil, les formes floues, les sons assourdis et déformés par l’onde miraculeuse. Quelques instants hors du temps. Souvenir d’un ailleurs utérin d’avant la naissance ?

Quelqu’un derrière moi, me secoue gentiment.

-Tout va bien ? Vous avez la tête sous l’eau depuis plusieurs minutes et je m’inquiétais pour vous…

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